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Lettre de Scolopax n°10

Chronique n°10

La destruction programmée de notre massif karstique

Lettre de Scolopax n°10

Scolopax, APPEL Coeur du Jura

Bonjour,

 

Aujourd'hui, je laisse la parole à un ami spécialiste du karst, cette formation géologique issue de l'érosion de roches calcaires sous l'action de l'eau dont est fait notre massif jurassien, qui saura bien mieux que moi vous présenter les effets néfastes de l'implantation d'éoliennes sur notre 1er plateau.


 

Bonne lecture et à bientôt,

Scolopax

 

Eolien - La destruction programmée de notre beau massif.

 

Quelle belle doctrine que de vouloir sauver la planète !

Mais aussi quelle belle opportunité pour les lobbies de l’éolien et quelques responsables locaux peu scrupuleux… Certains y voient la possibilité de faire de belles affaires, d’autres de développer leur égo ou leur image électorale et utiliseront les moyens les plus vils pour y parvenir.

Ainsi signent-ils l’arrêt de mort de notre beau plateau karstique.

Ils n’hésitent pas à laisser broyer nos beaux lapiaz, raser nos forêts et humilier nos paysages, sacrifier notre patrimoine naturel sans faire d’études d’impact sérieuses sur notre plateau ou alors à utiliser des cabinets d’études (payés très cher avec nos impôts) qui ne connaissent pas le fonctionnement de notre plateau karstique et vont tout de même se permettre de contredire les données scientifiques avérées et cautionner ainsi, moyennant un beau dossier, cette destruction massive.

Grâce à eux notre plateau ressemblera bientôt à une usine à ciel ouvert, comme c’est le cas par exemple dans l’Auxerrois. Est-ce l’avenir qu’on nous propose pour le Jura ? Bien sûr, l’avis de sassociations locales et les scientifiques qui étudient ce plateau sont soigneusement ignorés ou écartés.

 

Qu’en est-il ?

Le plateau karstique de la Châtelaine qui surplombe Poligny, Arbois et Salins possède bien des particularités qui devraient inciter à la plus grande prudence en matière d’installations anthropiques à sa surface.

Les caractéristiques du karst local sont ses reliefs calcaires, possédant des surfaces apaisées  ou tourmentées : dolines, lapiaz, pertes, diaclases, vallées sèches, poljés, falaises et reculées qui donnent accès au monde souterrain que les spéléologues locaux connaissent bien : les grottes, les gouffres, les galeries, les immenses vides souterrains, les rivières souterraines, l’eau…

 

Le karst et l’eau : un couple vital

Il n’y a pas de circulation d’eau à la surface du plateau. L’eau des précipitations s’infiltre rapidement sous terre grâce à la fissuration de la roche (pertes, diaclases, dolines, gouffres…) puis circule dans des galeries horizontales ou verticales successives pour rejoindre les gros réseaux collecteurs et les sources à la base du plateau. (La Cuisance ou la Glantine).

L’épikarst (partie superficielle du karst) est très sensible aux activités humaines.

A peine quelques mètres sous terre, dans les conduits proches de la surface, l’eau peut parcourir de grandes distances avant de trouver un chemin de pénétration profond en bénéficiant des diaclases ou des failles. Ces parcours ne sont pas repérables par de simples colorations hydrogéologiques et nécessitent des études approfondies. Ils doivent pourtant être parfaitement connus pour réaliser des installations anthropiques sans risque pour l’eau et les cavités.

Exemples, Fontaines à Coupot et du Riable dans la forêt de Malrocher.

 

Le karst est source de vie. Il stocke et gère notre approvisionnement en eau.

A différentes étapes de son périple, l’eau sera retenue et stockée dans des galeries, des bassins, des gours, des siphons et va, par débordements successifs, rejoindre son cours profond et les sources. Ce parcours crée une grande réserve naturelle d’eau stockée sous terre.

 

Le karst fournit de l’eau.

Certaines sources, comme la Petite source de la Cuisance, restent actives pendant les périodes de sécheresse grâce à la grande quantité d’eau stockée en réserve dans les vides naturels mais aussi grâce aux infiltrations d’air en été : les parois froides induisent alors une condensation de son humidité produisant une quantité conséquente d’eau, à condition que l’air puisse pénétrer et circuler sous terre…

Elle a été mesurée à plus de 200 litres/seconde à la fin de la grande sécheresse de 2018 sur le réseau de la Cuisance.

 

Boucher les dolines, combler les gouffres, raser les lapiaz, injecter des tonnes de béton dans l’épikarst conduit à fortement perturber la continuité des circuits de l’eau, sa quantité et sa qualité.

Exemple : La source asséchée du couvent des Clarisses à Poligny à la suite du bouchage d’une cavité trépanée puis remplie de béton au niveau d’une embase d’éolienne de Chamole, et bien sûr non déclarée au même titre que le broyage du massif corallien rouge qui recouvrait le site. Adieu patrimoine naturel !

 

Le karst ne filtre pas l’eau car il est fortement fracturé (failles, diaclases, joints de strates). De ce fait, toute activité anthropique en surface va avoir une incidence directe sur la qualité de l’eau de nos sources et de nos rivières.

 

Il n’y a pas de nappes dans ce plateau. Seuls les conduits karstiques répartissent la circulation de l‘eau. Ainsi une injection de béton dans l’épikarst qui bouche un conduit d’eau pourra détourner sa circulation, assécher ou détourner une source ou encore générer une inondation ou un glissement de terrain au contact des marnes du Lias.

Exemple : l’effondrement la route de Plasne, sur plusieurs dizaines de mètres en juillet 2021 suite au comblement d’une

cavité profonde avec cours d’eau dans la carrière du village.

 

Le potentiel de développement des réseaux collecteurs de la Cuisance, sous le plateau de la Châtelaine est supérieur à 60 km de longueur. Ces collecteurs souterrains majeurs se situent essentiellement sous les zones d’implantation prévues pour construire les futures éoliennes complémentaires de Chamole. Chercher l’erreur ! Cela illustre bien la légèreté des études...

 

Les vides souterrains du karst

Le karst local possède de nombreux vides souterrains. Sur le plateau de La Châtelaine dans les zones déclarées aptes à recevoir des éoliennes, plus de mille cavités ont été répertoriées. Beaucoup de ces vides frôlent la surface et rendent hasardeuses les activités humaines. Certains vides recensés sont très importants par leur volume.

Exemple, la grotte des Moidons (une salle de 65 m de longueur, 40 m de largeur et 28 m de hauteur, dont l’épaisseur du plafond avoisine 10 m à peine.

Des galeries de plusieurs dizaines de mètres de largeur et de hauteur parcourent le sous-sol de ce plateau. Les spéléologues en découvrent régulièrement. L’effondrement des plafonds de faible épaisseur peut impacter la surface pour y former des dolines d’effondrement et des gouffres. Ces phénomènes sont visibles au sentier karstique de Besain.

 

Ces effondrements peuvent alors absorber tout ce qui se trouve en surface : maisons, routes, véhicules, éoliennes etc…

Exemple : Des effondrements de ce type à Besançon, rue de Vesoul, le 24 février 2024, ont fait la Une des journaux….

 

Certains plafonds de cavités, fracturés, sont instables et sensibles aux vibrations.

Mais on nous dit que les mats ne vibrent pas ! A votre avis ?

 

Alors comment imaginer sérieusement qu’une installation d’éoliennes sur la surface de notre plateau serait sans conséquences ?

 

Pour le karst, pas de retour en arrière possible.

Une destruction du karst par l’implantation d’éoliennes est irrémédiable.

L’implantation des embases en béton armé, des routes d’accès, des aires de stockage et de montage des éoliennes, des tranchées d’enfouissement des câbles représentent des dizaines d’hectares qui seront broyés.

Un lapiaz rasé par les broyeuses de cailloux, les dolines bouchées, les conduits souterrains colmatés, les cavités trépanées ne renaîtront pas ! Même après un démantèlement, il ne restera que désolation, un paysage karstique massacré (et quid de l’eau… du biotope et des sites historiques).

 

La technologie éolienne si intéressante soit-elle du point de vue énergétique, (ce qui est contestable d’un point de vue écologique) n’a pas sa place sur notre plateau car elle impacte trop durement le karst et met en péril notre approvisionnement en eau et la sérénité de nos vie dans ce milieu.

 

L’implantation d’éoliennes industrielles sur le plateau karstique est une aberration écologique lourde de conséquences pour notre patrimoine naturel.

 

De plus, la multiplication des mâts (de 240m) visibles à plus de 20 km à la ronde va avoir un effet négatif sur l’attrait touristique du massif et des emplois liés à cette activité. Elle dépréciera la valeur de nos biens immobiliers. (Ce qui a déjà été dénoncé par la justice dans plusieurs régions impactées)

Soyons lucides, ne laissons pas quelques responsables, cupides ou incultes détruire notre massif, sa qualité de vie, sa nature préservée que tant de régions nous envient. Ne nous laissons pas berner par des mensonges et des mots trompeurs (comme éoliennes « citoyennes » ou énergie « verte ») car ces mâts industriels ne sont citoyens ou verts que pour quelques individus au détriment de la vie de tous les autres : NOUS !

 

Le sacrifice ultime

Laisser faire correspond à perdre notre patrimoine naturel. Comment pourrons-nous expliquer à nos enfants et aux générations futures que nous avons laissé faire. (Pour quelques dollars de plus…)

Devons-nous accepter de sacrifier nos paysages karstiques, nos grottes, nos gouffres, lapiaz qui sont pour beaucoup de véritables trésors naturels et qui font la fierté et la renommée de notre beau massif.

Ces phénomènes ont contribué à nommer une période géologique « l’ère Jurassique » et ont ainsi fait connaitre le Jura dans le monde entier. Avons-nous le droit de laisser détruire et enlaidir cet héritage ?

 

Sauvons notre massif !

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