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Lettre de Scolopax n°11

Chronique n°11

Bienvenue en Absurdistan (4) : Le massacre décomplexé de l'avifaune

Lettre de Scolopax n°11

Scolopax, APPEL Coeur du Jura

Bonjour,

 

Vous l’aurez sans doute remarqué ; on n’entend plus Le Pic Noir, pourtant si prolixe au moment du projet Center Parcs à Poligny. Peut-être a-t-il été désossé par l’une des faucheuses géantes de Chamole. Je l’avais pourtant prévenu qu'elles étaient dangereuses ! Et dire qu'il est question d'en installer d'autres ... Voilà qui devrait nous faire réfléchir sur l'impact réel de l'éolien sur l'avifaune.

 

Une guerre de l’information

Le saviez-vous ? Le pouvoir politique qui, avec sa Loi d’accélération de la production d'énergies renouvelables, mène notre pays à marche forcée vers l’éolien, vient de s’autoriser à détruire les espèces protégées qui gêneraient l’implantation d’éoliennes (1). Preuve est désormais faite que mon existence (et celle de mes amis) gêne ! Dans ces conditions, il est bien entendu inutile de compter sur le secours de ses officines (2) ou celui des associations qui en dépendent : censées me défendre, elles sont devenues subitement muettes. Coïncidence ? Ajoutez y le pouvoir financier, qui se soucie comme une guigne de ma survie et flaire avant tout les bonnes affaires, et vous comprenez comment l'on en arrive à élaborer un discours, largement relayé dans les médias, faisant rimer bien avec éolien !

Pire, tout est fait pour nier ou minimiser l'impact des éoliennes sur notre vie. Ainsi, on compare l’importante mortalité des « oiseaux des villes », moineaux, merles, pigeons qui, bien que payant un lourd tribut aux chats, aux habitations ou aux voitures parviennent tout de même à proliférer, avec celle des « oiseaux des champs », dont je suis, et dont la survie est menacée ! Ou bien on met en avant, comme pour se donner bonne conscience, des mesures dites compensatoires (systèmes d’effarouchement, ralentissement de l’activité des machines d’ailleurs vérifié de façon très lâche…) qui constituent pourtant un véritable aveu de la nocivité des éoliennes pour la gent ailée. Bref, tout est bon pour cacher une réalité dont toute la cruauté est décrite dans cette vidéo.

(1) voir l'article 19 de la Loi APER de mars 2023, la Recommandation n°24 publiée au Journal officiel de l’Union Européenne le 25 mai 2022, complétée par la création d’un intérêt public supérieur avec le Règlement 2022/2577 du Conseil de l’Union Européenne le 22 décembre 2022.

(2) Par exemple, comment voulez-vous que l’ADEME, service d’un gouvernement ouvertement pro éolien, soit objective sur cet enjeu et émette quelque critique sur la politique de ce dernier ?

Une réalité objectivement difficile à saisir

Indépendamment des partis pris des uns et des autres, il faut admettre que comptabiliser la mortalité des oiseaux par les éoliennes est un exercice compliqué. Et ce pour des raisons simples :

- Que peut-il bien rester de la collision d’un passereau, boule de plumes de quelques dizaines de grammes, avec un engin qui peut dépasser les 300 km/h en bout de pale ?

- Comment être sûr de retrouver des cadavres dans des prairies, des buissons ou des forêts ?

- A quelle fréquence et dans quel périmètre opérer les recherches quand renards, mustélidés et rapaces font disparaître tout cadavre prestement ?

C’est pourquoi, à défaut de passer une année complète, 24h sur 24, le nez en l’air au pied d'une éolienne, la nécessité s’est faite sentir de mettre au point des modèles mathématiques (Winkelmann, Erikson, Brinkmann, Jones et Huso) pour estimer avec plus ou moins de bonheur une réalité impossible à comptabiliser de façon sûre et certaine.

Quand la méthode conditionne le résultat

Les éoliennes tuent donc essentiellement les « oiseaux des champs », à la fois des espèces sédentaires et des espèces migratrices, qui représentent plus de la moitié des espèces en France et sont de fait les plus exposées. Quand on sait que plus de la moitié des oiseaux migrent la nuit, vous pouvez imaginer leur sort quand ils arrivent en pleine obscurité sur un barrage éolien ? L’étude qui fait encore référence aujourd’hui pour apprécier la mortalité des oiseaux émane de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO). L’étude se base sur les carnets de suivi de la mortalité de l’avifaune, quand ils existent, soit 645 éoliennes réparties sur toute la France ; en l’absence de protocole national, les périmètres de protection au pied des éoliennes ont varié de 10 à 100m et les collectes avaient lieu 1 fois/semaine !

Sur cette base, le taux de mortalité oscillerait entre 1 à 18 oiseaux morts/éolienne/an ! D’où une double interrogation, pour s’en tenir à l’essentiel, sur la validité d’une collecte hebdomadaire quand on sait que les milieux naturels disposent d’un service de nettoyage permanent et sur la valeur d’un tel écart.

Fort heureusement, une enquête menée sur le parc éolien EDF de Bollène (Vaucluse) avec plus de rigueur permet d’approcher de plus près la réalité. Les recherches ont été menées sur des périmètres de fouille de 150 m de côté cette fois, avec des visites quotidiennes d’avril 2009 à juillet 2012, soit 662 jours. Elle conclut à une mortalité de 16 à 20 oiseaux/éolienne/an, étant précisé que les chiffres varient de 10 à 61 oiseaux selon les modèles mathématiques retenus. A noter que la hauteur des 3 éoliennes est de 125m, à comparer aux 195 m de Chamole !

Vous pensez peut être toucher à la vérité ? Pas du tout ! Car une expérimentation conduite sur ce site rebat les cartes. Elle a consisté à faire rechercher les oiseaux tués par un chien dressé. Et que disent les chiffres ? Le « taux d’efficacité » des collectes varie de 20 à 45 % pour un observateur seul contre de 70 à 80 % pour un chien dressé ! Soit des résultats de 2 à 4 fois supérieurs aux données habituelles ! Voilà qui bouleverse toutes les données existantes si elles sont majorées dans les mêmes proportions.

La question cruciale de la disparition des espèces

Ce n’est pas tout ! En tuant, les sinistres faucheuses mettent aussi en péril les espèces rares. L’étude de la LPO constate par exemple que 60 % des oiseaux tués sont des passereaux. Mais, plus instructif, sur 97 espèces trouvées au pied des éoliennes (quand on les trouve), 75% sont protégées en France. 10 % sont des espèces inscrites à l’annexe I de la Directive Oiseaux de l’Union Européenne comme le faucon crécerellette, le milan royal, le milan noir, et le busard cendré. Plus grave encore, 8,4 % appartiennent à des espèces menacées inscrites sur la liste rouge comme le gobemouche noir et le bruant jaune. Bien sûr ce sont des chiffres nationaux.

Mais un très opportun inventaire réalisé par la Communauté de communes Coeur du Jura à portée de pale du projet d’extension, donne quelques sueurs froides. Réalisé à partir de 17 points d’observation, à raison de 3 passages en moyenne en saison de reproduction, il a cherché à répertorier les espèces d’intérêt communautaire inscrites à l’Annexe I de la Directive Oiseaux. Il a détecté un cortège varié d’espèces comme la bondrée apivore, l’alouette Lulu, le faucon pèlerin, le grand duc d’Europe, le milan noir, le milan royal, le pic noir, le pic mar. Sur les 69 espèces recensées, 39 vivent en forêt, là où sont projetées les futures éoliennes.

Le pire reste à craindre

Sans attendre de nouveaux chiffres, quelques exemples démontrent déjà le danger que représentent les éoliennes pour l'avifaune. En Champagne-Ardennes, région de forte activité éolienne, la LPO a observé une chute de 90 % de la population de milans royaux nicheurs (Rapaces de France, n°21). La Voix du Jura du 25 février 2021 titre « Deux projets éoliens menacent l’espèce des grands tétras ». Enfin, Libération du 2 février 2020 rapporte que le nombre de chauves-souris en France a chuté de 30 % en dix ans du fait des éoliennes. Mais le sort de mes amies chauve-souris feront l'objet d'une autre lettre.

Ainsi, avec le projet d’extension du parc de Chamole, tous les voyants sont au rouge : il coupera en deux le massif forestier d’Arbois-Poligny ; il se situera à proximité des zones Natura 2000 des reculées des Planches et de Vaux, ce qui entraînera une mortalité deux fois plus importante selon ce qui a été établi par l’enquête de la LPO. Il est alors fort à craindre que les derniers représentants des espèces les plus rares de notre secteur disparaissent. Un seul oiseau tué pouvant alors signifier la fin d’une espèce.

 

A bientôt,

Scolopax

Cadavre de martinet, en 2013 à Bollène.png
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